10 Avr 24

Hollywood brûle-t-il ?

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Après l’euphorie des années 2010 et la ruée vers le streaming du début des années 2020, Hollywood semble aujourd’hui dans une dépression profonde. Alors qu’ils étaient prêts, il y a 3 ans à peine, à brûler tous les ponts (salles de cinéma, télé, derniers supports physiques) pour un avenir totalement tourné vers les plateformes, les studios en sont réduits, aujourd’hui, à sauver ce qui peut encore l’être et à chercher la nouvelle formule du succès.

Entre la fin du blockbuster à licence, la chute drastique des audiences télé et des plateformes SVOD qui n’arrivent toujours pas à être rentables, la situation des majors est compliquée.

Depuis quelques semaines, le bloggeur Alain Le Diberder dresse le portrait des grands studios dans une série d’articles au titre à la mode : Le vieil Hollywood, anatomie d’une chute. Ces portraits, plutôt des aperçus historiques des empires commerciaux qui possèdent ces studios, montrent en effet une situation assez sombre. L’actualité récente, que ce soit la guerre des actionnaires chez Disney ou les négociations de rachat de la Paramount, montre qu’on est peut-être à un nouveau point de basculement à Hollywood. Un de plus.

Où va Hollywood ?

Mais la question à laquelle ne répondent pas ces articles, c’est : vers quoi bascule-t-on ? Quoi pour succéder à l’ère des licences, rincées jusqu’à la corde ? Où se trouve l’avenir d’Hollywood ?

Tout d’abord, il est bon de rappeler que le train des Cinematic Universes n’est pas si facile à arrêter, et l’on goûtera encore quelques aventures de super-héros, des escapades spatiales, des histoires de magiciens et d’espions inoxydables.

Mais après ?

Tentons quelques hypothèses.

La première se base sur les quelques énormes succès de l’année dernière. C’est sans doute la plus sombre des hypothèses : la multiplication des méta-films à la Barbie ou Super Mario Bros. De ces films tellement conscients d’eux-mêmes qu’ils incluent dans leur discours la critique qu’on peut leur faire. Des films faussement ingénus, prolongements directs de la mouvance Marvel/Star Wars, où les films ne recycleraient plus les éléments de la pop culture, mais la commenteraient. C’est en quelque sorte la tendance que prophétisait, sur un mode dépressif, Matrix 4. Mais gardons espoir, cela reste la tendance la moins probable.

Grand reset

Une autre hypothèse serait une sorte de remise à zéro, à la manière de la période du Nouvel Hollywood. Si les années 2010 ont été celles des giga-blockbusters, elles ont aussi été celles d’une réduction drastique du nombre de films distribués par les grands studios. Une manière de sortir du marasme serait de revenir à une plus grande diversité de production. Ne plus concentrer les risques sur les seuls tentpole movies, mais élargir le champ à des films à plus petit budget, susceptibles d’être rentables plus rapidement. Cela passe principalement par du cinéma de genre : la comédie, l’horreur, le thriller, la comédie romantique. Si ce n’est que ces genres sont aujourd’hui trustés par les plateformes, qui ont depuis des années attiré à eux ceux qui ont fait le succès de ces formes. C’est une génération entière qui a disparu chez Netflix, Amazon et même Apple. Tout est donc à reconstruire.

Vers la dilution

La troisième hypothèse, et celle qui tient à mon avis la corde, est d’embrasser le tournant culturel qu’a impliqué le passage aux plateformes. Il y a quelques mois, je parlais du glissement du soft power américain, qui ne ressent plus le besoin de promouvoir l’American Way of Life, mais simplement de statuer que son horizon est indépassable. Dans le prolongement de cette idée, les plateformes ne voient aujourd’hui plus aucun problème à internationaliser leur production. Un film ou une série peut être chinois, indien, français, mexicain, ou coréen. Tout cela n’a plus la moindre importance.

Même si ils produisent déjà quelques films en dehors de leur propre territoire, principalement en Angleterre, les grands studios historiques n’ont pas encore vraiment embrassé ce mouvement.

Dans une industrie dont les bases nationales, qu’elles soient en exploitation ou en distribution, s’amenuisent, il serait logique que la production suive ce mouvement. Hollywood comme centre de production, comme ”usine à rêves” cantonnée à quelques kilomètres carrés sur la côte californienne, n’a depuis longtemps déjà plus vraiment de réalité. C’est peut-être cet état d’esprit qui doit être modifié chez les nouveaux dirigeants amenés à prendre en mains le destin des majors.

Dans ce cas, pour répondre à la question de cette chronique : non, Hollywood ne brûle toujours pas. Mais il se peut qu’il se dilue.


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disney, Hollywood, production, studios


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