Dans un mois, en décembre 2023, le film de William Friedkin, L’Exorciste aura 50 ans.
Avant de devenir une licence avec ses dizaines de rip-offs, L’Exorciste a été l’un des premiers films à inaugurer une nouvelle tendance, le blockbuster.
C’est le premier film d’horreur “gore” à ne pas être une série B, voire Z. Jusque là, le cinéma d’horreur était un genre un peu honteux qui, bien que déjà rentable, ne passait que dans des cinémas de seconde zone. L’année suivante, l’autre mètre étalon du genre, Massacre à la Tronçonneuse, était encore produit comme une série B.
Les vagues de l’horreur
Pas L’Exorciste. Friedkin, auréolé de son succès avec French Connection, a réussi à convaincre la Warner d’investir largement dans le film. Et le succès a dépassé toutes les espérances.
Pourquoi parler de ce maintenant vieux film, qui ne provoque plus depuis longtemps de crises cardiaques ?
Parce que le cinéma d’horreur a, depuis, été l’une des vaches à lait d’Hollywood. Il ne coûte pas très cher à produire, ne demande pas de stars au casting. Et il attire les foules d’ados en mal de sensations.
Cependant, le cinéma d’horreur a fonctionné par vagues. Il y a d’abord eu les années ‘70, dans le sillage de L’Exorciste donc. Puis les années ‘90, post-Scream de Wes Craven. Et le revoilà aujourd’hui sur le devant de la scène, grâce à des studios comme Blumhouse ou, dans le genre plus arty, A24.
Mais la question que j’ai envie de poser ici est : pourquoi c’est le cinéma américain qui est resté dominant dans le genre ?
Horreur internationale
Parce que, les fans de l’horreur le savent, de nombreux pays ont développé une industrie du cinéma d’horreur. L’Italie avec le giallo dans les années ‘70-’80, le cinéma gore allemand des années ‘80 et ‘90. Ou encore l’Asie, Japon et Corée du Sud en tête, entre la fin des années ‘90 et le milieu des années 2000. On pourrait également citer l’Espagne, qui exportait largement dans le courant des années 2000.
Mais toutes ces industries se sont effondrées après quelques années, sans jamais vraiment revenir sur le devant de la scène.
Le premier élément de réponse est évident : le cinéma américain est dominant dans l’absolu. Son cinéma est resté tout au long des années excessivement fort.
Car, si l’on regarde les exemples d’autres pays cités plus haut, on peut quand même déceler une tendance. Dans chacun de ces pays, l’émergence du cinéma d’horreur vient juste après une période faste pour leur cinématographie. Le cinéma italien a été très fort jusque dans les années ‘60. Tout comme le cinéma allemand dans les années ‘70.
La même constatation vaut pour les autres pays. L’émergence du cinéma d’horreur a, à chaque fois, été le signe du déclin de la cinématographie nationale.
On pourrait alors inverser la réflexion. Si des pays comme La France ou l’Angleterre n’ont jamais vraiment vu apparaître une vague de films d’horreur, c’est peut-être que leur cinématographie est restée assez solide pour y résister.
Je ne dis pas qu’il n’y pas eu de films d’horreur dans ces pays, bien sûr. Et parfois des bons. Mais ils n’ont jamais initié un mouvement.
Le genre de la crise
L’hypothèse que je pose donc ici est que l’appétence pour la production de films d’horreur n’est pas tant liée à des questions culturelles, voire sociales (la vieille antienne du film d’horreur comme révélateur des maux du monde), mais purement économiques.
Le film d’horreur émergerait dans des industries en crise. Des industries qui peuvent encore compter sur un public nombreux, mais qui n’a plus vraiment les moyens de ses grosses productions d’antan.
Mais est-ce qu’on peut appliquer cette hypothèse retournée jusqu’au cinéma américain ? Est-ce que la résurgence de l’horreur au box office est le signe d’une crise ?
Il me semble que la réponse est oui.
Si l’on reprend l’historique des vagues de cinéma d’horreur mentionnées plus haut, on se rend compte que le cinéma américain était effectivement à chaque fois en crise. Les années ‘70 voient la télévision manger toujours plus de parts de marché, à quoi le Nouvel Hollywood, dont faisait partie Friedkin mais aussi Spielberg et Lucas, était la réponse. La fin des années ‘90 étaient aussi de grandes années de doute, où la fréquentation des salles commençait à baisser.
L’horreur comme roue de secours du système
Quelle serait la crise actuelle alors ? Elle commence à être connue. Les univers de super-héros et les films d’animation, qui ont porté le Box Office ces 20 dernières années, ne font plus recette. Et la bonne vieille salle se remet péniblement des coups de boutoir des plateformes lors des lockdowns.
Evidemment, le cinéma d’horreur a toujours été présent, et se résurgence actuelle n’est pas le signe du déclin d’Hollywood. Juste que le cinéma d’horreur revient jouer son rôle habituel de bouche-trous d’une industrie qui se cherche un nouveau souffle.
Si le cinéma américain reste dominant dans le genre de l’horreur, c’est d’abord pour cela : parce qu’il sait qu’il est la roue de secours du système.
Pendant que Disney travaille à se restructurer, que Warner continue à annuler des exploitation de films terminés pour récupérer une partie des dépenses en crédit d’impôts, et que Universal repousse sans cesse ses tentpoles movies, le cinéma d’horreur fait tourner la machine.
Ne reste plus qu’à attendre pour voir ce qui ressortira après l’horreur.