25 Jan 23

Streaming : combien coûte un abonné ?

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Cela fait plusieurs fois que l’on en parle : l’industrie du streaming vidéo a maintenant atteint sa maturité.

Ne nous fions pas trop aux chiffres annoncés en grande pompe par les grandes entreprises du secteur comme Netflix et Disney, qui fanfaronnent sur leur nombre d’abonnés. Disney perd encore 1.47 milliards de dollars sur son activité de streaming, toutes plateformes confondues. Et, plus grave peut-être, le revenu moyen par utilisateur est en baisse, ce que l’entreprise compte redresser par l’adjonction d’un abonnement avec publicité, une augmentation des tarifs, et une baisse des dépenses, notamment en termes de contenus. Quoi qu’il en soit, l’objectif d’atteindre la profitabilité en 2024 commence à devenir difficile à tenir.

L'éternel exemple Netflix

Mais intéressons-nous, une fois encore, à Netflix. Pourquoi ? Parce qu’il s’agit du seul acteur qui n’est actif que dans le streaming. Les autres arrivent ainsi à noyer peu ou prou le poisson grâce à leurs autres activités. Mais pas Netflix.

Alors, elle cherche parfois d’autres moyens de “cacher la misère” comme on dit par chez nous. Cette fois-ci, ça a été le départ annoncé de Reed Hastings en tant que CEO de Netflix qui a fait la une des médias. Mais cette annonce a été faite lors d’un des traditionnels earnings calls, la communication des chiffres trimestriels que sont obligés de transmettre toutes les entreprises cotées en bourse.

Et, il faut bien le reconnaître, les chiffres ne sont pas glorieux. Mis à part pour la région Asie-Pacifique, Netflix a toutes les chances d’avoir fini l’année avec un nombre d’abonnés en baisse. Cette baisse est compensée par une augmentation des revenus par abonnés, cependant rarement suffisante pour compenser l’inflation.

Le coût d'acquisition des abonnés explose

Mais ce qui démontre que nous atteignons aujourd’hui un plafond dans le nombre d’abonnés que Netflix peut encore acquérir se trouve dans un autre indicateur : le coût d’acquisition d’un nouvel abonné. En 2020 celui-ci était de 62 $. C’est à dire que toutes les dépenses faites par Netflix en 2020 en marketing et en création de contenus, rapporté au nombre d’abonnés acquis était de 62 $. Sachant qu’à l’époque le revenu moyen d’un abonné aux Etats-Unis était de 13.32€ par mois, il fallait donc entre 4 et 5 mois de fidélité pour rentabiliser l’acquisition d’un abonné.

Sauf qu’en 2021, ce chiffre est monté à 140 $, soit une augmentation de 125 %. Et en 2022, il atteint les 284 $. Encore 103 % dans les dents. En deux ans, le coût d’acquisition d’un nouvel abonné a plus que quadruplé ! Il faut aujourd’hui 1 an et demi pour qu’un nouvel abonné soit rentabilisé.

Evan Shapiro cout des abonnes

Source : Evan Shapiro : https://www.linkedin.com/posts/eshap-media-cartographer_ctvwars-streamingwars-activity-7022216558613561345-oVV6?utm_source=share&utm_medium=member_desktop

Encore faut-il qu’il reste. Et cela se calcule aussi. C’est ce qu’on appelle le churn rate, le taux de désabonnement. C’est ce taux qui devient aujourd’hui la boussole de tous les dirigeants d’entreprise de streaming.

Le taux de désabonnement augmente aussi

Le taux de désabonnement de Netflix a longtemps été un de ses sujets de fierté. Tournant autour de 2 à 2.5%, il était l’un des plus bas, toutes industries confondues. Et clairement bien plus bas que tous les autres services “premium”, qui tournaient autour des 7%. Mais ce taux aussi est en augmentation constante. Il a atteint un pic en juillet 2022, à 3.75%, peu après la mise en ligne de la dernière saison de Stranger Things.

3.75% n’est pas encore un chiffre catastrophique, bien sûr. Les spécialistes placent la barre d’un taux acceptable à 5 %. Mais il n’empêche que cette augmentation , et même ce pic à la fin d’une de leurs séries-phares est inquiétante. On entre dans une ère de plus grande volatilité des abonnés.

Ce qui veut dire que si un abonné quitte le service, il va encore falloir produire des efforts pour les acquérir à nouveau. Et cela augmentera donc encore le coût moyen d’acquisition d’un abonné.

Ou alors, il faut trouver les moyens de les garder. Ce qui s’avère de plus en plus difficile dans une configuration où la concurrence devient de plus en plus rude, comme on l’a vu la semaine dernière.

Comment garder ses abonnés ?

Les solutions existent, comme l’offre de mettre en pause un abonnement pendant maximum 3 mois, comme le propose déjà Hulu. Ou encore offrir son service dans un bundle d’autres services à même d’intéresser ses clients comme le fait Amazon avec son service Prime. Netflix, elle, tente une percée dans d’autres secteurs du divertissement, comme le jeu vidéo. A voir les chiffres du désabonnement, cette stratégie n’a pas encore porté ses fruits. Tout au plus, peut-être, a-t-elle limité la casse.

Mais il n’y aura, au bout du compte, qu’une seule chose susceptible de retenir un abonné. Cette chose, on le dit et le répète, ce n’est pas le prix, mais bien la qualité perçue des contenus que la plateforme propose. Proposer, presque en flux tendu, une offre de films et de séries susceptibles d’intéresser chaque segment du public, pour le garder.

La fin de la croissance insolente des plateformes est peut-être celle de leur véritable âge d’or en termes de création. Il va falloir, plus que jamais, maintenir la barre très haut pour mériter ses abonnés. Cela peut se traduire par de nouvelles guerres d’enchères sur les grands marchés du film, ce qui n’avantagera personne et surtout pas les petits acteurs indépendants, comme nos distributeurs nationaux. Ou un recentrage des productions propres vers peut-être moins de productions, mais plus prestigieuses.


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